Musée Jean de La Fontaine

Château-Thierry

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Fables :
avantage (L’) de la science

Livre VIII, fable XIX

Entre deux Bourgeois d’une Ville

S’émut [1] jadis un différend.

L’un était pauvre, mais habile,

L’autre riche, mais ignorant.

Celui-ci sur son concurrent

Voulait emporter l’avantage :

Prétendait que tout homme sage

Etait tenu de l’honorer.

C’était tout homme sot ; car pourquoi révérer

Des biens dépourvus de mérite ?

La raison m’en semble petite.

Mon ami, disait-il souvent

Au savant,

Vous vous croyez considérable ; [2]

Mais, dites-moi, tenez-vous table ? [3]

Que sert à vos pareils de lire incessamment ? [4]

Ils sont toujours logés à la troisième chambre,

Vêtus au mois de Juin comme au mois de décembre,

Ayant pour tout Laquais leur ombre seulement.

La République a bien affaire

De gens qui ne dépensent rien :

Je ne sais d’homme nécessaire

Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.

Nous en usons, Dieu sait : notre plaisir occupe

L’artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,

Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez

À Messieurs les gens de finance

De méchants livres bien payés.

Ces mots remplis d’impertinence

Eurent le sort qu’ils méritaient.

L’homme lettré se tut, il avait trop à dire.

La guerre le vengea bien mieux qu’une satire.

Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient.

L’un et l’autre quitta sa ville.

L’ignorant resta sans asile ;

Il reçut partout des mépris :

L’autre reçut partout quelque faveur nouvelle.

Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots ; le savoir a son prix.

[1s’éleva

[2qui doit être considéré

[3tenir table : donner à manger

[4sans cesse