Château-Thierry
Livre I, fable 4
Deux Mulets cheminaient [1] ; l’un d’avoine chargé ;
L’autre portant l’argent de la gabelle. [2]
Celui-ci, glorieux d’une charge si belle,
N’eût voulu pour beaucoup [3] en être soulagé.
Il marchait d’un pas relevé, [4]
Et faisait sonner sa sonnette ;
Quand, l’ennemi se présentant,
Comme il en voulait à l’argent,
Sur le Mulet du fisc [5] une troupe se jette,
Le saisit au frein, et l’arrête.
Le Mulet, en se défendant,
Se sent percé de coups, il gémit, il soupire :
Est-ce donc là, dit-il, ce qu’on m’avait promis ?
Ce Mulet qui me suit du danger se retire ; [6]
Et moi j’y tombe, et je péris.
Ami, lui dit son camarade,
Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut emploi :
Si tu n’avais servi qu’un Meunier, comme moi,
Tu ne serais pas si malade.
(1) faisaient chemin ensemble
(2) Impôt sur le sel
(3)
(4)
(5) Trésor public
(6) se tire du danger