Château-Thierry
Certain païen chez lui gardait un dieu de bois,
De ces dieux qui sont sourds, bien qu’ayant des oreilles. [1]
Le païen cependant s’en promettait merveilles.
Il lui coûtait autant que trois :
Ce n’étaient que vœux et qu’offrandes,
Sacrifices de bœufs couronnés de guirlandes.
Jamais idole, [2] quel qu’il fût,
N’avait eu cuisine si grasse,
Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d’orage [3] en quelque endroit
S’amassait d’une ou d’autre sorte,
L’homme en avait sa part, et sa bourse en souffrait :
La pitance [4] du dieu n’en était pas moins forte.
A la fin, se fâchant de n’en obtenir rien,
Il vous prend un levier, met en pièces l’idole,
Le trouve rempli d’or. « Quand je t’ai fait du bien,
M’as-tu valu, dit-il, seulement une obole ?
Va, sors de mon logis, cherche d’autres autels.
Tu ressembles aux naturels
Malheureux, grossiers et stupides ;
On n’en peut rien tirer qu’avec que le bâton.
Plus je te remplissais, [5] plus mes mains étaient vides :
J’ai bien fait de changer de ton. »