Musée Jean de La Fontaine

Château-Thierry

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Fables :
Ivrogne (L’) et sa femme

Livre III, Fable VII

Chacun a son défaut, où toujours il revient :

Honte ni peur n’y remédie.

Sur ce propos, d’un conte il me souvient :

Je ne dis rien que je n’appuie

De quelque exemple. Un suppôt [1] de Bacchus

Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.

Telles gens n’ont pas fait la moitié de leur course

Qu’ils sont au bout de leurs écus.

Un jour que celui-ci, plein du jus de la treille,

Avait laissé ses sens au fond d’une bouteille,

Sa femme l’enferma dans un certain tombeau.

Là, les vapeurs du vin nouveau

Cuvèrent à loisir. A son réveil il trouve

L’attirail de la mort à l’entour de son corps :

Un luminaire, un drap des morts.

Oh ! dit-il, qu’est ceci ? Ma femme est-elle veuve ?

Là-dessus, son épouse, en habit d’Alecton, [2]

Masquée et de sa voix contrefaisant le ton,

Vient au prétendu mort, approche de sa bière,

Lui présente un chaudeau [3] propre pour Lucifer.

L’époux alors ne doute en aucune manière

Qu’il ne soit citoyen d’enfer.

Quelle personne es-tu ? dit-il à ce fantôme.

La cellerière [4] du royaume

De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger

A ceux qu’enclôt la tombe noire.

Le mari repart sans songer :

Tu ne leur portes point à boire ?

[1Ici, les suppôts de Bacchus sont les ivrognes

[2l’une des Furies, Divinités de la vengeance

[3bouillon chaud

[4dans un couvent, religieux(se) responsable des réserves de nourriture