Château-Thierry
Un beau matin,
Trouvant Catin
Toute seulette,
Pris son tétin
De blanc satin,
Par amourette :
Car de galette,
Tant soit mollette,
Moins friand suis pour le certain.
Adonc me dit la bachelette :
Que votre coq cherche poulette ;
Ici ne fera grand butin.
Telle censure
Ne fut si sure
Qu’elle espéroit :
De ma fressure
Dame Luxure
Jà s’emparoit.
En tel détroit
Mon cas estoit,
Que je quis meilleure aventure :
Catin ce jeu point n’entendoit ;
Mieux attaquois, mieux défendoit ;
Dont je souffris peine très dure.
Pendant l’étrif ,
D’un ton plaintif
Dis chose telle :
Las moi chétif,
En son esquif
Charon m’appelle.
Cessez donc belle
D’être cruelle
A cetuy votre humble captif,
Il est à vous, foie et ratelle .
Bien grand merci, répondit-elle ;
Besoin n’ai d’un tel apprentif.
JANOT
Je vous affie
Et certifie
Que quelque jour
J’ai bonne envie
Ne vous voir mie
Dure à l’étour :
Le dieu d’amour
Sait plus d’un tour ;
Que votre cœur trop ne s’y fie ;
Car quant à moy j’ay belle paour
Qu’à vous férir n’ait le bras gourd ;
Le contemner est donc folie.
CATIN
Vous n’avez pas
Bien pris mon cas
Ne ma sentence ;
De tomber, las,
D’amour ès lacs
Ne fais doutance.
Mais telle offense,
En conscience ,
Ne commettrois pour cent ducats :
Que ce soit donc votre plaisance,
De me laisser en patience,
Et de finir cet altercas.
JANOT
Alors qu’on use
De vaine excuse
C’est grand défaut ;
Telle refuse,
Qui après muse,
Dont bien peu chault :
Car point ne fault
Tout homme caut
A chercher mieux quand on l’amuse ;
Dont je conclus qu’en amours faut
Battre le fer quand il est chaud,
Sans chercher ni détour ni ruse.
Onc en amours
Vaines clamours
Ne me reviennent ;
Roses et flours,
Tous plaisans tours,
Mieux y conviennent :
Assez tost viennent,
Voire et proviennent
Du temps qu’on perd douleurs et plours :
Tant que tels cas aux gens surviennent,
C’est bien raison qu’ils entretiennent
En tout déduit leurs plus beaux jours.
Ainsi preschois,
Et j’émouvois
Cette mignonne ;
Mes mains fourrois,
Usant des droits
Qu’Amour nous donne.
Humeur friponne
Chez la pouponne
Se glissa lors en tapinois.
Son œil me dit en son patois :
Berger berger, ton heure sonne ;
J’entendis clair, car il n’est homme
Plus attentif à telle voix.
Ami lecteur qui ceci veois,
Ton serviteur qui Jean se nomme
Dira le reste une autre fois.