Château-Thierry
Les injustices des pervers
Servent souvent d’excuse aux nôtres.
Telle est la loi de l’univers ;
Si tu veux qu’on t’épargne, épargne aussi les autres . [1]
Un Manant au miroir prenait des Oisillons. [2]
Le fantôme brillant [3] attire une Alouette
Aussitôt un Autour [4] planant sur les sillons
Descend des airs, fond et se jette
Sur celle qui chantait, quoique près du tombeau.
Elle avait évité la perfide machine,
Lorsque se rencontrant sous la main [5] de l’Oiseau
Elle sent son ongle maline. [6]
Pendant qu’à la plumer l’Autour est occupé,
Lui-même sous les rets demeure enveloppé.
Oiseleur laisse-moi, dit-il en son langage ;
Je ne t’ai jamais fait de mal.
L’oiseleur repartit : Ce petit animal
T’en avait-il fait davantage ?
[1] Cette ligne est la seule de tout le recueil imprimée en italique. Pour quelle raison ? Est-ce pour donner une importance exceptionnelle à cette moralité ? A-t-il présenté ce vers comme l’adaptation d’un alexandrin de Corneille : "Quoi, tu veux qu’on t épargne, et n’as rien épargné ! " (Cinna, acte IV, sc.2, v. 1131). (d’après Simone Blavier-Paquot : L.F. : Vues sur l’art du moraliste dans les fables de 1668, Les Belles Lettres, 1961, p. 144)
[2] un paysan chassait les oiseaux au miroir
[3] le reflet du miroir est aussi illusoire qu’un fantôme
[4] L’Autour est un oiseau de proie dressé à la chasse
[5] main s’applique au faucon. Pour les autours, on dit "le pied"
[6] féminin archaïque