Château-Thierry
Les Animaux, au décès d’un Lion,
En son vivant Prince de la contrée,
Pour faire un Roi s’assemblèrent, dit-on.
De son étui la couronne est tirée :
Dans une chartre [1] un Dragon la gardait.
Il se trouva que sur tous essayée,
A pas un d’eux elle ne convenait.
Plusieurs avaient la tête trop menue,
Aucuns [2] trop grosse, aucuns même cornue.
Le Singe aussi fit l’épreuve en riant ;
Et par plaisir la tiare [3] essayant,
Il fit autour force grimaceries,
Tours de souplesse, et mille singeries,
Passa dedans ainsi qu’en un cerceau.
Aux Animaux cela sembla si beau,
Qu’il fut élu : chacun lui fit hommage.
Le Renard seul regretta son suffrage,
Sans toutefois montrer son sentiment.
Quand il eut fait son petit compliment,
Il dit au Roi : Je sais, Sire, une cache,
Et ne crois pas qu’autre que moi la sache.
Or tout trésor, par droit de royauté,
Appartient, Sire, à Votre Majesté.
Le nouveau roi bâille [4] après la finance ;
Lui-même y court pour n’être pas trompé.
C’était un piège : il y fut attrapé.
Le Renard dit, au nom de l’assistance :
Prétendrais-tu nous gouverner encor,
Ne sachant pas te conduire toi-même ?
Il fut démis [5] ; et l’on tomba d’accord
Qu’à peu de gens convient le diadème.