Château-Thierry
Notre fabuliste dans cette fable du livre IX, publiée en 1678, s’est inspiré de l’apologue bibliothécaire italien Laurentius Abstemius, aussi connu sous le nom de Lorenzo Bevilaqua, qui a vécu au XIVème siècle (1440/1508). La fable qui portait le numéro 187 s’intitulait : Les moutons qui tondaient les moissons de façon immodérée.
Le titre de la fable reprend la formule de sagesse, inscrite au fronton du temple de Delphes en Grèce d’où était originaire Ésope, une des sources principales d’inspiration de notre fabuliste.
Dans cette fable de 28 vers, Jean de La Fontaine, nous affirme ne point connaître de créature se comportant avec modération. Il prend l’exemple du blé qui épuise la terre par son développement. Pour contrer les excès du blé, Dieu permet aux montons de dévorer les blés trop invasifs. Les moutons trop nombreux à leur tour sont dévorés par les loups.
Enfin, Dieu accorde aux hommes de tuer les loups qui sont devenus trop omniprésents, l’homme abuse de ce privilège.
Jean de la Fontaine pour terminer nous dit que l’homme est celle des créatures qui a le plus de penchant pour vivre à excès, il va jusqu’à écrire qu un procès devrait lui être intenté.
Il parachève en constatant que l’homme est conscient de sa surconsommation, mais qu’il ne fait rien pour la corriger.
Fable qui se révèle, comme toujours chez Jean de la Fontaine toujours très en adéquation avec les dérives consuméristes de notre époque. Je ne vois point de créature se comporter modérément.
Il est certain tempérament [1]
Que le maître de la nature
Veut que l’on garde en tout. Le fait-on ? Nullement.
Soit en bien, soit en mal, cela n’arrive guère.
Le blé, riche présent de la blonde Cérès [2]
Trop touffu bien souvent épuise les guérets ; [3]
En superfluités s’épandant d’ordinaire,
Et poussant trop abondamment,
Il ôte à son fruit l’aliment. [4]
L’arbre n’en fait pas moins ; tant le luxe [5] sait plaire !
Pour corriger le blé, Dieu permit aux moutons
De retrancher l’excès des prodigues moissons.
Tout au travers ils se jetèrent,
Gâtèrent tout, et tout broutèrent,
Tant que le Ciel permit aux loups
D’en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous ;
S’ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent.
Puis le Ciel permit aux humains
De punir ces derniers : les humains abusèrent
À leur tour des ordres divins.
De tous les animaux [6] l’homme a le plus de pente
À se porter dedans l’excès.
Il faudrait faire le procès
Aux petits comme aux grands. Il n’est âme vivante
Qui ne pèche en ceci. Rien de trop est un point
Dont on parle sans cesse, et qu’on n’observe point.