Musée Jean de La Fontaine

Château-Thierry

Découvrir le muséeSa vie, son œuvreActualités
En pratique
En pratique

Horaires, tarifs et accès

Tarifs des visites

Visites guidées

Réservations de groupes

Boutique

Nous contacter

Histoire de la maison
Parcours de visite
Les collections
L’Association pour le musée
Fables
Contes
Biographie de Jean de La Fontaine
Espace enfants
La Fontaine en vidéo
FERMETURE POUR TRAVAUX
Restauration du Jardin de l’Amour
Appel aux dons
Parcours visuel et sonore Musair
En direct des réseaux sociaux (…)
Agenda du musée
Évènements passés
 

Fables :
Savetier (Le) et le financier

Livre VIII, Fable II
LE SAVETIER ET LE FINANCIER

Un Savetier chantait du matin jusqu’au soir :

C’était merveilles de le voir,

Merveilles de l’ouïr ; il faisait des passages [1],

Plus content qu’aucun des Sept Sages [2].

Son voisin au contraire, étant tout cousu d’or [3],

Chantait peu, dormait moins encor.

C’était un homme de finance.

Si sur le point du jour, parfois il sommeillait,

Le Savetier alors en chantant l’éveillait,

Et le Financier se plaignait

Que les soins de la Providence

N’eussent pas au marché fait vendre le dormir,

Comme le manger et le boire.

En son hôtel il fait venir

Le Chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire,

Que gagnez-vous par an ? Par an ? Ma foi, monsieur,

Dit avec un ton de rieur

Le gaillard Savetier, ce n’est point ma manière

De compter de la sorte ; et je n’entasse guère

Un jour sur l’autre : il suffit qu’à la fin

J’attrape le bout de l’année :

Chaque jour amène son pain.

Et bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?

Tantôt plus, tantôt moins, le mal est que toujours

(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes),

Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours

Qu’il faut chommer [4] ; on nous ruine en fêtes .

L’une fait tort à l’autre ; et monsieur le Curé

De quelque nouveau saint charge toujours son prône [5].

Le Financier, riant de sa naïveté,

Lui dit : Je vous veux mettre aujourd’hui sur le trône.

Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,

Pour vous en servir au besoin.

Le Savetier crut voir tout l’argent que la terre

Avait, depuis plus de cent ans

Produit pour l’usage des gens.

Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre

L’argent et sa joie à la fois.

Plus de chant ; il perdit la voix

Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines.

Le sommeil quitta son logis,

Il eut pour hôte les soucis,

Les soupçons, les alarmes vaines.

Tout le jour il avait l’oeil au guet ; et la nuit,

Si quelque chat faisait du bruit,

Le chat prenait l’argent : à la fin le pauvre homme

S’en courut chez celui qu’il ne réveillait plus.

Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,

Et reprenez vos cent écus.

[1"se dit aussi en musique d’un certain roulement de la voix qui se fait en passant d’une note à l’autre" (dic. Acad. 1694), donc trilles ou vocalises.

[2Nom de sept personnages, philosophiques ou tyrans (VIème av. J.C.) qui contribuèrent au rayonnement de la civilisation grecque. Les plus célèbres sont Thalès de Milet et Solon d’Athènes.

[3Allusion aux pièces d’or cachées dans les coutures des vêtements

[4Allusion à l’actualité de l’époque : Louis XIV et Colbert en avaient diminué le nombre, 17 avaient été supprimées vers 1664, il en restait 38

[5Les fêtes sont annoncées dans le prône (l’homélie) de la messe du dimanche