Château-Thierry
Au fond d’un antre sauvage
Un Satyre et ses enfants
Allaient manger leur potage,
Et prendre l’écuelle aux dents [1].
On les eût vus [2] sur la mousse,
Lui, sa Femme, et maint Petit ;
Ils n’avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit .
Pour se sauver de la pluie,
Entre un Passant morfondu.
Au brouet on le convie.
Il n’était pas attendu.
Son H ôte n’eut pas la peine
De le semondre [3] fois.
D’abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts .
Puis sur le mets qu’on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.
Le Satyre s’en étonne :
Notre hôte, à quoi bon ceci ?
L’un refroidit mon potage ;
L’autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le Sauvage,
Reprendre votre chemin .
Ne plaise aux Dieux que je couche
Avec vous sous même toit !
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid [4] !"