Château-Thierry
Un Vieillard sur son Ane aperçut en passant
Un pré plein d’herbe et fleurissant :
Il y lâche sa Bête, et le Grison [1] se rue
Au travers de l’herbe menue,
Se vautrant, grattant, et frottant,
Gambadant, chantant et broutant,
Et faisant mainte place nette.
L’ennemi vient sur l’entrefaite.
Fuyons, dit alors le Vieillard.
Pourquoi ? répondit le Paillard.
Me fera-t-on porter double bât, double charge ?
Non pas, dit le Vieillard, qui prit d’abord le large.
Et que m’importe donc, dit l’Ane, à qui je sois ?
Sauvez-vous, et me laissez paître :
Notre ennemi, c’est notre maître :
Je vous le dis en bon François.
[1] l’Ane