Cygne (Le) et le cuisinier

Dans une ménagerie [[lieu bâti auprès d'une maison de campagne pour y engraisser les bestiaux et les volailles. ( Dict. de l'Acad. 1694)]]

De volatiles remplie

Vivaient le Cygne et l'Oison :

Celui-là destiné pour les regards du Maître,

Celui-ci pour son goût [[pour le goût du maître]] ; l'un qui se piquait d'être

Commensal [[compagnon de table ; l'oie mange dans le jardin,

le cygne est admis dans la maison]] du jardin, l'autre de la maison.

Des fossés du château faisant leurs galeries,

Tantôt on les eût vus côte à côte nager,

Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,

Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.

Un jour le Cuisinier, ayant trop bu d'un coup [[ayant bu un coup de trop]],

Prit pour Oison le Cygne; et le tenant au cou,

Il allait l'égorger, puis le mettre en potage.

L'Oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.

Le Cuisinier fut fort surpris,

Et vit bien qu'il s'était mépris.

Quoi ? je mettrais, dit-il, un tel Chanteur [[allusion à la légende du chant des cygnes sur le point de mourir, d'où vient l'expression "le chant du cygne" pour désigner l'œuvre finale.]] en soupe !

Non, non, ne plaise aux Dieux que jamais ma main coupe

La gorge à qui s'en sert si bien. Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe

Le doux parler ne nuit de rien.