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Les Fables de Jean de La Fontaine

Fille (La)

LE HÉRON

Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où

Le Héron au long bec emmanché d’un long cou.

Il côtoyait une rivière.

L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ;

Ma commère la Carpe y faisait mille tours

Avec le Brochet son compère.

Le Héron en eût fait aisément son profit :

Tous approchaient du bord, l’Oiseau n’avait qu’à prendre ;

Mais il crut mieux faire d’attendre

Qu’il eût un peu plus d’appétit.

Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.

Après quelques moments l’appétit vint ; l’Oiseau

S’approchant du bord vit sur l’eau

Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures.

Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux,

Et montrait un goût dédaigneux

Comme le Rat du bon Horace. [[Il s'agit du rat de ville, de Horace ( Satires, livre II, 6, 87), invité par le rat des champs, épisode que La Fontaine n'a pas repris dans sa fable]]

Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse

Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?

La Tanche rebutée, [[refusée, mise au rebut]] il trouva du Goujon.

Du Goujon ! c’est bien là le dîné d’un Héron !

J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !

Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon

Qu’il ne vit plus aucun Poisson.

La faim le prit ; il fut tout heureux et tout aise

De rencontrer un Limaçon.

Ne soyons pas si difficiles :

Les plus accommodants, ce sont les plus habiles :

On hasarde de perdre en voulant trop gagner.

Gardez-vous de rien dédaigner ;

Surtout quand vous avez à peu près votre compte.

Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons

Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ;

Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons.

LA FILLE

Certaine Fille, un peu trop fière

Prétendait trouver un mari

Jeune, bien fait, et beau, d'agréable manière, [[aspect, façon de se comporter, il était agréable]]

Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci.

Cette Fille voulait aussi

Qu'il eût du bien, de la naissance,

De l'esprit, enfin tout ; mais qui peut tout avoir ?

Le destin se montra soigneux de la pourvoir : [[de l'établir par un mariage...]]

Il vint des partis d'importance.

La Belle les trouva trop chétifs [[vils, méprisables]] de moitié :

Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l'on radote, je pense.

A moi les proposer ! hélas ils font pitié.

Voyez un peu la belle espèce !

L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ;

L'autre avait le nez fait de cette façon-là ;

C'était ceci, c'était cela,

C'était tout ; car les précieuses

Font dessus tout les dédaigneuses.

Après les bons partis les médiocres [[qui sont de condition sociale moyenne]] gens

Vinrent se mettre sur les rangs.

Elle de se moquer. Ah vraiment, je suis bonne

De leur ouvrir la porte : ils pensent que je suis

Fort en peine de ma personne.

Grâce à Dieu je passe les nuits

Sans chagrin, quoique en solitude.

La Belle se sut gré de tous ces sentiments.

L'âge la fit déchoir ; adieu tous les amants. [[ceux qui ont déclaré leurs sentiments amoureux, à la différence du sens actuel]]

Un an se passe et deux avec inquiétude.

Le chagrin [[humeur maussade]] vient ensuite : elle sent chaque jour

Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour ;

Puis ses traits choquer et déplaire ;

Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire

Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron :

Les ruines d'une maison

Se peuvent réparer : que n'est cet avantage

Pour les ruines du visage !

Sa préciosité changea lors de langage.

Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.

Je ne sais quel désir le lui disait aussi ;

Le désir peut loger chez une précieuse.

Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru,

Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse

De rencontrer un malotru. [[ terme populaire qui se dit des gens en mauvaise santé, mal bâtis]]

Ces deux fables, couplées par La Fontaine lui-même, nous présentent deux versions d'un même thème. La moralité commune à ces deux versions, l'une animale, l'autre humaine, termine la première fable et sert de prologue à la seconde.

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