Les Fables de Jean de La Fontaine
Homme (L’) et l’idole des bois
Certain païen chez lui gardait un dieu de bois,
De ces dieux qui sont sourds, bien qu'ayant des oreilles. [[ citation des Psaumes "Ils ont des oreilles et n'entendent pas"]]
Le païen cependant s'en promettait merveilles.
Il lui coûtait autant que trois :
Ce n'étaient que vœux et qu'offrandes,
Sacrifices de bœufs couronnés de guirlandes.
Jamais idole, [[au XVIIème, le mot idole n'était pas obligatoirement féminin]] quel qu'il fût,
N'avait eu cuisine si grasse,
Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d'orage [[le moindre orage]] en quelque endroit
S'amassait d'une ou d'autre sorte,
L'homme en avait sa part, et sa bourse en souffrait :
La pitance [[nourriture : mot du style simple et comique]] du dieu n'en était pas moins forte.
A la fin, se fâchant de n'en obtenir rien,
Il vous prend un levier, met en pièces l'idole,
Le trouve rempli d'or. «Quand je t'ai fait du bien,
M'as-tu valu, dit-il, seulement une obole ?
Va, sors de mon logis, cherche d'autres autels.
Tu ressembles aux naturels
Malheureux, grossiers et stupides ;
On n'en peut rien tirer qu'avec que le bâton.
Plus je te remplissais, [[rassasiais : volontairement vulgaire]] plus mes mains étaient vides:
J'ai bien fait de changer de ton.»