Les Fables de Jean de La Fontaine
Renard (Le) et l’écureuil
Il ne se faut jamais moquer des misérables,
Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux ?
Le sage Ésope dans ses fables
Nous en donne un exemple ou deux ;
Je ne les cite point, et certaine chronique [[Allusion probable au procès Fouquet]]
M'en fournit un plus authentique.
Le Renard se moquait un jour de l'Écureuil
Qu'il voyait assailli d'une forte tempête :
Te voilà, disait-il, près d'entrer au cercueil [[Fouquet n'avait sauvé sa tête que de justesse]]
Et de ta queue en vain tu te couvres la tête.
tu t'es approché du faîte,
Plus l'orage te trouve en butte à tous ses coups [[Allusion au billet envoyé par La Fontaine à son ami Maucroix, dans lequel il lui faisait part de l'arrestation de Fouquet]].
Tu cherchais les lieux hauts et voisins de la foudre :
Voilà ce qui t'en prend ; moi qui cherche des trous,
Je ris, en attendant que tu sois mis en poudre [[Allusion à la devise de Fouquet Quo non ascendamus qu'où ne m’élèverai-je pas ?]].
tandis qu'ainsi le Renard se gabait [[se moquer]],
Il prenait maint pauvre poulet
Au gobet [[au gosier]];
Lorsque l'ire du Ciel à l’Écureuil pardonne :
Il n'éclaire plus, ni ne tonne ;
L'orage cesse ; et le beau temps venu
Un Chasseur ayant aperçu
Le train de ce Renard autour de sa tanière :
Tu paieras, dit-il, mes poulets.
Aussitôt nombre de bassets
Vous fait déloger le Compère.
L'Écureuil l'aperçoit qui fuit
Devant la meute qui le suit.
Ce plaisir ne lui dure guère,
Car bientôt il le voit aux portes du trépas.
Il le voit ; mais il n'en rit pas,
Instruit par sa propre misère.